Je te confie ma peine.
Je comprends ! m’assures-tu.
L’instant d’après tu assènes convictions et poncifs comme remèdes à mon chagrin puis tu m’incites à passer à l’action et m’accables d’injonctions sous forme de « A ta place, tu devrais, tu ne voudrais pas … ? ». - pour mon bien, justifies-tu -
Je tente une objection. Mes doutes ébranlent tes certitudes et minent ta croyance qu’en deux mots et trois solutions saupoudrées, tu as le pouvoir de me faire aller mieux. Sur ton visage, pointe un soupçon d’impatience, signe d’inconfort, vite dissimulé sous un masque de sollicitude. Mon objection dérange.
Comment te dire, que ton attitude plombe un peu plus ma peine ?
Je prends mon courage à deux mains, et j'évoque mes doutes sous forme de « oui mais ». L’instant d’après, je ploie à nouveau, sous tes conseils bienveillants, illustrés d’exemples personnels qui ne font que me parler de toi, et surement pas de moi. Tels des coups, les solutions pleuvent et m’obligent à remettre la carapace dont j’ai eu tant de mal à m’extraire.
Comment t’expliquer sans te blesser que tu n’y es pas du tout ? Que non, t’imaginer que tu sais, et placarder sur moi tes vérités, ne suffit pas à comprendre ce que je vis et à me rejoindre dans ma peine.
Alors j’arrête les confidences, découragé et comme souvent, je me borne à t’écouter égrener des recettes, issues de tes croyances et centrée sur ta personne. De mes besoins à moi il n’est question. Parcourir la distance qui nous sépare est trop difficile, tu préfères croire que tes douleurs ressemblent aux miennes sans en assimiler les différences.
Je ravale mes paroles, mon chagrin et je reste seul en face à face avec ma solitude que ta présence amplifie. Je suis plus seul avec toi que sans toi.
Raphaëlle SAILLARD
Reformuler, se synchroniser, entendre sans jugement, écouter sans conseiller, rester centré sur l'autre... L'écoute active est un art difficile.
Faites vos premiers pas avec Florence EHNUEL, La reformulation empathique - Comment vous comprendre les uns les autres et vous le montrer. éd. Anne Carrière - 2019 - Quelques idées clefs résumées ci- dessous.
L'art de la reformulation selon Florence EHNUEL:
Préférer la reformulation au silence ou à un "je comprends"
Reformuler en posant une question pour que cela reste une proposition : "si j'ai bien compris, tu penses que..."
Ne pas insister si la reformulation ne convient pas et laisser la personne rectifier votre reformulation. (ça, c'est un exercice difficile... :) )
Faire plus court que son interlocuteur - Synthétiser.
Si le récit est en "je" : reformuler les sentiments et non les faits - sauf pour vérifier que la situation est bien comprise -
Comprendre les sentiments de son interlocuteur suffit
Ne pas le soupçonner de déformer les faits.
Ne pas appuyer sur les aspects douloureux dévoilés : ne pas les contredire, ne pas les reformuler, ne pas les minimiser (c'est pas grave...)
Reformuler n'est pas approuver.
Reformuler ne convient pas à la plupart des conversations
Ce que nous confie une personne n'est pas fixe. Ses confidences correspondent à une photographie à un instant "t" de ce qu'elle ressent et traverse. Ce qu'elle exprime ne l'engage pas pour toute sa vie.
Merci à Florence EHNUEL pour cet éclairage
